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Archipel
Prospective de l’exploration spatiale
© Olivier Boisard - 2006-2013
Temps 3
Station spatiale - Image O.Boisard
L’industrie de l’espace a pris son envol. Des milliers de personnes – bientôt des dizaines de milliers – vivent hors de la Terre. La majorité résident sur la Lune, où, pour la première fois, on enregistre une naissance. L’événement fait d’ailleurs l’objet d’une polémique : ce milieu artificiel, sous faible gravité, ne serait-il pas préjudiciable à la croissance de l’enfant? N’est-il pas préférable de revenir sur la Terre, qui n’est jamais qu’à deux jours de voyage de la Lune ?
Biosphère 2
La qualité de vie, loin de la planète bleue, a pourtant fait des progrès considérables. L’apparition des « biosphères » artificielles marque un tournant majeur, avec la construction d’immenses serres de quelques hectares abritant un milieu vivant riche et varié, renouvelant les anciennes – et monotones - cultures hydroponiques. La maîtrise de ces systèmes biologiques parfaitement clos a demandé du temps, mais elle permet maintenant de recréer de véritables forêts loin de la Terre, de reproduire le cycle de l’eau, et – c’est un vrai luxe – d’élever quelques animaux. Certains estiment que ce progrès profite avant tout aux amateurs de breakfast, qui retrouvent enfin, à leur petit-déjeuner, du lait, des œufs, et du bacon.
Des compagnies privées exploitent des lignes régulières Terre-Lune très rentables. Ce n’est pas tant le transport de passagers qui les intéresse, que celui des produits manufacturés issus de l’industrie lunaire. Les flux d’échanges avec la Terre ont changé de nature : l’espace tend à produire tout ce qui est nécessaire à sa consommation propre autant qu’à son développement, et exporte vers la Terre des minerais rares, des équipements électroniques conçus en micro-gravité, des cristaux purs utiles aux nano-technologies, sans oublier l’énergie solaire des « Solar Power Station ».
Le tourisme spatial génère un flux de passagers intense vers des hôtels en orbite basse, en proposant à des prix très abordables pour sa clientèle des classes moyennes, des courts séjours d’un week-end ou d’une semaine. De chaque cabine est garantie une imprenable vue sur la Terre.
Aménager des stations lunaires ou martiennes n’est pas qu’une question d’ingénierie et d’architecture : cela devient, aussi, une question d’urbanisme. Il ne s’agit plus seulement de se protéger de l’environnement, mais de s’y intégrer. Des réseaux de transports sont installés à la surface de la Lune comme de Mars, entre des pôles de développement majeurs, des stations secondaires, et des postes avancés. Une vieille question - qu’on avait prudemment mise de côté durant les périodes d’exploration - resurgit dans l’actualité : l’activité humaine doit veiller à ne pas détruire inconsidérément des milieux naturels préservés pendant des milliards d’années.
On décide que d'immenses zones « sanctuaires » seront sauvegardées et interdites à l’homme, excepté lors de missions scientifiques ponctuelles. Un projet lunaire ambitieux, mais jugé trop destructeur, est abandonné : il consistait à exploiter dans des mines à ciel ouvert de centaines de kilomètres carrés, le précieux régolithe – c’est-à-dire la couche de poussière issue du bombardement de météorites – riche en les éléments rares, tels que l’hélium 3 utile aux réacteurs de fusion nucléaire.
SpaceShip One
L'astéroïde Hayabusa - JAXA
Des ressources minières existent ailleurs, au-delà de Mars, dans la grande ceinture d’astéroïdes. Des sondes de reconnaissance y ont déjà identifié des centaines de milliers de blocs rocheux – de quelques mètres à quelques kilomètres de diamètre – et des missions habitées débarquent sur les plus remarquables d’entre eux. Un nouveau type d’engin apparaît : le remorqueur d’astéroïde. Son but est de rapprocher suffisamment près l’un de l’autre deux blocs de taille moyenne, puis de les relier par un câble de dix kilomètres de long : l’ensemble sera mis en rotation, afin de produire, sur les faces intérieures des astéroïdes, une gravité artificielle utile à de nouvelles stations habitées. Là où il n’y a pas de planète, on crée, en quelque sorte, des « polders » de l’espace.
C’est à cette époque qu’on découvre, dans les zones reculées de la ceinture de Kuiper, une comète dont la trajectoire risque de rencontrer la Terre dans dix ans … L’alerte a été donnée par le système de surveillance mis en place des années plus tôt: des statisticiens avaient fait remarquer qu’un tel risque de collision était faible, mais non nul. Sans même faire référence à l’astéroïde géant qui a détruit la lignée des dinosaures voici soixante millions d’années, ils rappelaient l’impact de Tunguska en 1908, au cœur de la Sibérie, qui avait fait des ravages dans un rayon de plusieurs dizaines de kilomètres. Les chiffres sont là: compte tenu de la densité de population sur Terre, une telle catastrophe, même si elle ne se produit qu’une fois par siècle, produit des dégâts tels que, rapportée à une année, elle correspond à un risque de mortalité comparable à celui des accidents de la route
Moucharabieh de l'espace - Image O.Boisard
On envisage d’abord utiliser un remorqueur pour dévier la comète : le temps qu’il la rejoigne, elle sera hélas trop près du point d’impact, et il faudrait quoi qu’il en soit pour la « repousser » une énergie bien supérieure à celle que produisent les réacteurs de l’engin. Une autre solution consisterait à la détruire à l’aide de charges nucléaires : trop risqué, sa fragmentation produisant une nuée de météores peut être plus dangereux encore. La solution est finalement trouvée : c’est elle-même qui modifiera sa route. Des voiles solaires sont envoyées à sa rencontre, et positionnées précisément entre elle et le Soleil, formant un immense « moucharabieh » de l’espace ...
Constamment dans l’ombre, le bloc rocheux composé essentiellement de glace reste figé durant son approche, et ne développe pas la queue habituelle des comètes due aux jets de gaz produits par le réchauffement solaire … L’action de ces petits « geysers » était faible, mais suffisante pour qu’en leur absence la comète modifie sensiblement sa trajectoire, et croise la Terre sans risque, à quelques millions de kilomètres.
La « frontière haute » se situe au voisinage de Jupiter et Saturne. Des ballons dirigeables sont envoyés en reconnaissance dans les couches supérieures de ces planètes «sans sol». Impossible d’y envisager une quelconque mission humaine : la gravité y est beaucoup trop forte. Par contre, en orbite, des stations d’un nouveau genre sont construites : constituées d’une vaste plate-forme habitée, reliée par un câble à un contrepoids situé mille kilomètres plus bas, ce «pendule» géant se stabilise par l’effet du «gradient de gravité», et reproduit à bord une pesanteur artificielle sans recourir à la traditionnelle force centrifuge.
L’aventure est relancée sur les extraordinaires satellites des deux planètes : il s’agit de reproduire le processus engagé des décennies plus tôt avec Mars. Des hommes s’approchent des lacs de méthane liquide de Titan. Les vulcanologues s’intéressent tout particulièrement à Io. On explore les failles de Ganymède, ou de Callysto. On s’aventure dans les anneaux de Saturne. Mais, surtout, depuis la station habitée d’Europe, on pénètre sous la glace du satellite, jusqu’à la première station sous-marine immergée hors de la Terre.
Les technologies sont enfin au point pour qu’une sonde automatique soit envoyée au-delà du système solaire. Au terme d’un voyage raisonnable de vingt ans, la prochaine escale est Proxima du Centaure.
Et tout le monde s’accorde à penser que la Terre restera, quoi qu’il en soit, une des plus agréables planètes dans cette région de la galaxie ...
Amazing Stories
JALONS
TEMPS 3 : AUTONOMIE ET EXPANSION ...
•On enregistre une première naissance sur la Lune.
•Des « biosphères » sont construites sur la Lune et Mars.
•L’économie de l’espace prend son envol, les flux d’échanges avec la Terre se transforment.
•Les territoires lunaires et martiens sont aménagés.
•Des hommes débarquent sur les satellites de Jupiter et de Saturne.
•Des astéroïdes sont remorqués, pour construire des stations géantes.
•Une sonde est envoyée vers un système stellaire voisin.
AUTONOMIE
ET
EXPANSION ...